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Interview #13 – Françoise Lerusse
Bienvenue à toutes et à tous pour cette nouvelle Interview, notre invitée du jour est une photographe belge ! Vous retrouverez donc son interview agrémentée des photos réalisées dans le cadre du défi “rose et rapide” que je lui ai lancé ainsi que sa photo préférée !
Pourrais-tu te présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Françoise Lerusse, je suis belge. Je vis actuellement entre Bruxelles, la Provence, Londres et Buenos Aires, bref je voyage beaucoup. J’ai travaillé comme journaliste et documentariste à la télévision notamment, puis comme conceptrice-rédactrice dans la publicité. Aujourd’hui, je consacre mon temps à la photo.
Comment es-tu tombée dans la photo ?
Mon père était photographe amateur. Il m’a appris les rudiments de la prise de vues avec son Rolleiflex, je me souviens encore de la cellule qu’il tendait à bout de bras et de l’image qui apparaissait inversée dans le viseur. J’ai passé beaucoup de temps dans la chambre noire à voir les images apparaître sur le papier, c’était fascinant pour moi. L’image a continué de m’accompagner dans mon travail à la télévision, notamment au journal télévisé. J’ai aussi co-réalisé des documentaires avec plusieurs réalisateurs dont Maurice Amaraggi. Mais le vrai déclic, cela a été mon travail avec les directeurs artistiques et les photographes de pub. Avec eux je passais des heures à chercher la meilleure idée créative, la composition idéale, le bon angle, la bonne lumière. Parallèlement à cela je faisais de la photo de façon sporadique, au cours de mes voyages. En 2014 j’ai eu envie d’aller plus loin. J’ai suivi les cours en ligne de Laurent Breillat et c’est devenu une passion un peu, comment dire… dévorante.
Quel(s) style(s) préfères-tu pratiquer ?
Le mien ! Je veux dire par là que plutôt que de me cantonner à un « genre » photographique, ce qui m’intéresse, c’est d’aller au-delà de la perception immédiate et évidente et de transmettre davantage une idée, une sensation, une émotion, bref ma vision. Après tout, la réalité n’existe pour chacun de nous que dans notre façon de la vivre et de la voir. Et comme je le dis parfois, voir, c’est se voir … Après, qu’il s’agisse de scènes de rue, de paysages, d’instantanés ou pas est secondaire. Je photographie beaucoup en ville mais pas seulement. Je suis attirée par l’humain (même s’il n’est qu’évoqué) pris dans un contexte, surtout quand il y est fragile, dépassé ou un peu perdu, cela me touche beaucoup. J’aime l’architecture, les lignes, les reflets, les ombres, les silhouettes, les contre-jours, les strates multiples, les atmosphères fortes, les contextes décalés, surréalistes plutôt que réalistes. Jusqu’ici j’ai fait beaucoup de noir et blanc, plutôt du noir d’ailleurs … Je trouve le noir somptueux, très tactile, velouté ou alors parfois tranchant. Mais dernièrement j’ai fait tout autre chose, une série de surimpressions couleur et j’y ai trouvé beaucoup de plaisir, j’ai adoré la vibration des couleurs. J’ai une véritable passion pour la nature en général et les paysages en particulier. Les lumières matinales ont ma préférence avec leur lot de brumes et brouillards. J’aime aussi la photo de rue et la photo de voyage, mais certains portraits me touchent aussi beaucoup quand ils sont pris en extérieur.
Quels sont tes projets actuels ou futurs, sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Je voudrais me pousser dans mes retranchements. Mes photos préférées ont souvent été prises dans un certain inconfort, en ayant conscience de ne pas tout maîtriser. C’est une chose que je découvre progressivement dans la photo : il faut un certain lâcher-prise du besoin de contrôle. On obtient alors des photos plus intéressantes. Il y a dans la photo une dualité entre la volonté de contrôle et l’acceptation du hasard, et le sens de ce que je recherche en photo est peut-être là … J’ai envie d’essayer des techniques et des genres photographiques auxquels je ne me suis pas encore confrontée, pour voir ce qui en sort. J’étudierai peut-être Photoshop, même si je n’en ressens pas vraiment le besoin actuellement. Enfin je veux approfondir la notion de série. Je vais essayer de compléter des séries que j’ai commencées, plus systématiquement, avec plus de rigueur.
Quels sont les photographes qui t’inspirent ?
Irving Penn, Richard Avedon, Martin Parr, Sebastiao Salgado, Bruce Davidson, René Burri, Margaret Rourke-White, Vivian Maier, entre autres. Et puis Flickr, le « portfolio mondial » où je croise beaucoup de photographes de talent. Mais je crois que je suis tout autant inspirée par des peintres comme Soulages, Chagall, Le Caravage, Spilliaert, Permeke et la liste est loin d’être exhaustive …
Pourquoi fais-tu de la photo ?
D’abord pour le plaisir ! Comme je le disais il y a quelques mois dans une vidéo de Laurent Breillat, cela donne une autre dimension à la vie. La photo est une stimulation permanente, elle maintient en éveil. Chaque photo que je prends est une nouvelle découverte, une petite aventure mentale. Je ne l’aurais pas imaginé en commençant, mais la photo a changé mon regard sur le monde et sur moi-même. Et puis nous sommes tellement bombardés par les images des autres, par le flux de l’info, de la pub bien sûr et des réseaux sociaux que cela fait du bien de créer les siennes. De se réapproprier le réel. Et le sens. Quel sens cette image que je fais a-t-elle pour moi ? Les images que nous faisons nous révèlent parfois une part de nous à laquelle nous ne pensions pas, ou moins. Je trouve aussi que l’isolement devant l’écran lors de l’editing et du post-traitement a quelque chose de méditatif. C’est même le cas lors de la prise de vues, dans la rue. Je suis avec les autres, avec tout ce qui se passe autour de moi, mais je suis aussi isolée parce que je cadre, je compose, je recrée un morceau de réel, je ne suis plus dépassée par lui. Je suis connectée à moi-même.
Quelles sont tes autres passions dans la vie ?
Les voyages, dans les villes surtout. L’architecture, le design, la peinture. Et la technologie, que j’ai parfois du mal à maîtriser mais qui me fascine. J’adore la créativité qui est à l’œuvre dans l’invention technologique. Elle change notre vie. Parfois pour le pire, mais aussi parfois pour le meilleur.
Quel logiciel de post-traitement utilises-tu ?
J’utilise Lightroom 6. J’adore post-traiter, cela fait partie de mes expérimentations. J’y passe pas mal de temps, tout dépend des photos. Je post-traite assez peu la couleur mais le noir et blanc peut se sublimer, se « révéler » littéralement. Ce mot qui vient de l’argentique garde tout son sens en numérique. Pour moi le post-traitement fait partie de la boîte à outils du photographe au même titre que le boîtier et les objectifs. Après tout, quand on travaille en RAW, c’est l’équivalent de la chambre noire. Et il y a autant de façons de post-traiter que de façon de composer ses photos. Je reconnais certains photographes à leur façon de post-traiter. La façon dont un photographe post-traite (ou pas) fait partie de son style, c’est comme une signature.
Quelle est ta photo préférée et pourquoi ?
J’ai plusieurs photos préférées, la dernière efface les précédentes. J’ai choisi celle-ci qui a eu beaucoup de succès sur Flickr et ailleurs et qui continue de me donner de l’émotion quand je la regarde. Je l’ai prise à la gare routière de Lisbonne, une superbe architecture de Calatrava. J’étais en train de composer une photo quand subitement une vieille dame a surgi devant mon objectif, c’était une mendiante qui venait me demander de l’argent. Malgré la surprise, j’ai eu le réflexe de déclencher. J’aime cette photo à cause de l’ambivalence entre la perfection de l’architecture, le futurisme, la technologie, une certaine opulence, et l’irruption fracassante du désordre avec cette dame âgée, usée, perdue.
Les commentaires de Françoise sur sa série :
Ton thème « rose et rapide » a représenté un véritable défi ! Pour moi, faire des images qui évoquent la vitesse, du moins d’une façon qui m’intéresse, n’était pas évident. Me mettre au bord d’un circuit de F1 et prendre les voitures est assez éloigné de mes préoccupations. En plus, le rose … J’ai d’abord essayé une série avec des éléments roses et des éléments rapides (ou les deux), des instantanés pris dans des endroits et à des moments différents. Mais cela ne me satisfaisait pas. Depuis le début j’avais en tête de faire une série basée sur une scène unique qui se déroule dans le temps et évolue de photo en photo, un peu comme dans un film. Mais il fallait trouver le sujet, de préférence humain puisque c’est ce que j’aime, et rose. Bref, j’ai repensé à des chaussures roses que j’avais et cela m’a donné l’idée de cette séquence. Cela n’a pas été facile car c’est un selfie en mouvement. Pour le coup, j’étais hors de ma zone de confort … Par chance, je me trouvais en Provence et la lumière d’après-midi en cette fin d’été avait elle-même des nuances de rose. L’editing m’a aussi pris pas mal de temps, je voulais arriver à faire un début, une fin et une accélération entre les deux.
Tout d’abord, je tiens à préciser, qu’au début, j’ai été surprise par ta série, mais dans le bon sens. Elle est dans le thème, aucun doute, et elle change complètement de ce qui a été fait avant. Ton idée de vitesse est très bien retranscrite, ton editing a du prendre du temps effectivement. Le rose est doux, la lumière très jolie et délicate. La succession de pas, et la superposition donne bien le ton de la série, bref, c’est très bien réalisé ! Un grand merci à Françoise pour sa participation ! – Interview réalisée en octobre 2016 –
Tous les liens pour suivre Françoise :
Quant à moi, je vous donne rendez-vous pour une prochaine interview ! N’hésitez pas à laissez vos commentaires et questions concernant le travail de Françoise ! Je vous dis à bientôt ! 🙂